lundi 30 août 2010





Je relis les choses que je passe mon temps à écrire dans mes cahiers, mes innombrables & encombrants cahiers, les cahiers que j'ai eu envie de brûler quand je me suis rendue compte qu'il me faudrait deux boîtes rien que pour les déménager.



25 avril 2010

Mais il me reste de bonnes choses.

Il me reste Kyoto, la meilleure de toutes les meilleures colocataires du monde, Kyoto qui se blottit avec moi dans mon lit quand les ronflements de son frère en visite réquisitionnent le sien, Kyoto avec qui boire des gin tonic en décortiquant le détail de nos toutes petites vies, Kyoto avec qui aller jouer au billard au Клуб-бар sous les regards étonnés & inquisiteurs des habitués peu ragoûtants de l'endroit, Kyoto à qui tout tout raconter, Kyoto avec qui tout rire & tout vivre & tout comprendre, Kyoto que je vais pleurer comme un amour impossible à mon départ.



1er juillet 2010

Je replonge dans toutes sortes d'incertitudes: financières, amoureuses, avenir-iennes, tout tout tout. Je pense aller en France en septembre. Je pense m'inscrire à la maîtrise l'année prochaine. Je pense que j'ai un don particulier pour les remises en question perpétuelles. Je pense que j'ai un emploi qui finira par me donner de l'urticaire.



30 août 2010

J'habite dans l'appartement de Porcelaine qui est aussi le mien, maintenant, je bois mon café devant les grandes fenêtres du salon & j'écoute des chansons tristes en déballant mes affaires, Patsy Cline & Leonard Cohen, des chansons tristes même si j'ai le coeur heureux. Dès que je sors de chez moi il y a la rue Saint-Jean qui bourdonne dans la toute nouvelle canicule & moi je me coule dans le soleil, la peau tiède, les yeux bridés par la lumière. J'essaie de marcher lentement mais je ne réussis jamais.

Il y a Kyoto qui est venue puis qui est repartie, il y a mes cheveux que j'ai coupés, courts parce que j'y ai pensé tout l'été, mercredi il y a Montréal, jeudi l'avion, vendredi...!, il y a les plus belles choses qui sont toujours les plus beaux pétages de fiole en puissance, mais crisse, est-ce que ça vaut vraiment la peine si on n'y risque pas au moins un peu sa dignité, sa sérénité, sa vie bien en équilibre, ses esties de bonnes nuits de sommeil?

Quand les soirées sont lourdes de fatigue, Porcelaine me propose un thé. Puis se reprend, presque immédiatement, cibole, qu'est-ce que je dis là, c'est sûr que t'as besoin d'une bière, & c'est sûr, c'est sûr que j'ai rien besoin d'autre.



vendredi 6 août 2010





Quand je suis arrivée chez moi hier soir il y avait une carte postale dans ma boîte aux lettres. Au début j’ai pensé qu’elle arrivait d’Équateur, que c’était l’amie à qui je sous-loue l’appartement qui donnait des nouvelles, une image de son bout de jungle amazonienne, des souhaits d’été chaud & de fruits mûrs, de pêches tellement juteuses qu’elles en barbouillent les mentons. Mais la carte venait de Chine. Une tête de dragon, très grande, dorée, et un pont. À l’endos il n’y avait pas de signature parce que les signatures ont quelque chose de redondant, parfois, quand les boucles si caractéristiques des J traînent leurs pattes hors des marges pour s’accrocher à la poitrine & venir serrer le coeur, délicatement, du poids de toutes les tendresses inattendues du monde.

De temps à autre je pense à Juillet, qui n’écrit pas de cartes postales & qui ne va pas en Chine, & je suis triste de ne pas avoir vu toutes les choses que j’aurais pu voir avant. Mais le plus souvent je pense à Banana Yoshimoto, qui fait dire à un de ses personnages que mais qui voudrait d’un amour qui ne donne pas l’impression d’être le dernier?, & ça me console de tout ce qu’il pourrait rester à consoler.




J’envie les gens qui savent parler de livres de façon, je sais pas, de façon à leur rendre justice. C’est une chose que je n’ai jamais apprise & qui me manque, surtout quand je termine un recueil d’Alice Munro ou que je commence The Good Terrorist & que je sens qu’il y aurait des milliers de trucs à en tirer mais que tout ce dont je suis capable c’est de poser le livre sur mes genoux et de revoir dans ma tête les mots dans lesquels s’enroule le récit, en savourer les petites cruautés et les sonorités particulières, le rythme des phrases et des malheurs, des pointes, de ces épiphanies discrètes qui se coulent entre les lignes & réchauffent les mains qui, du bout des doigts, effleurent les caractères imprimés.




Je travaille douze heures par jour, littéralement, à essayer de coordonner deux départements en même temps, dans un environnement de travail tellement bordélique que c’en est ridicule. Mon contrat se termine à la mi-août & j’avais pensé accepter l’offre de prolongation mais finalement non, non, je peux pas continuer à me faire ça, à la mi-août il y a Kyoto qui débarque à Québec pour deux semaines & début septembre j’emménage avec Porcelaine & tout de suite après je pars pour la France, parce que j’ai trop d’argent en banque pour demeurer immobile & parce que là-bas il y a un garçon fraîchement revenu de Chine qui toutes les nuits règle son cadran à trois heures & téléphone, téléphone juste au moment où je pousse la porte de l’appartement, délivrée du travail, enfin, et gourmande de mots qui auraient vogué sur l’Atlantique & atterri dans mon salon, bons & doux & chauds dans le creux de l’oreille.