jeudi 1 décembre 2011




La fille de Postes Canada qui travaille dans la pharmacie près de chez moi m'a confirmé que toute une trâlée d'employés prennent une joie particulière à lire les cartes postales que les touristes confiants (& les filles nouvellement montréalaises de presque vingt-six ans tout aussi crédules) leur remettent. J'envoie la mienne à A., qui enseigne l'anglais dans une petite ville près de Lyon, & la fille de Postes Canada me parle des British qui lui en confient une quinzaine d'un coup, quinze destinataires différents mais un seul message : c'est ben beau Montréal, mais il y a pas un seul vrai pub dans toute la ville. Horreur.




Deux histoires de transport en commun : 

 1. Je vais à Longueuil pour aller voir mon médecin, un homme très gentil qui ne me regarde jamais dans les yeux (ce qui fait que nous parlons tous les deux aux piles de documents sur son bureau durant les consultations), & je prends l'autobus. À l'aller c'est le début de l'heure de pointe & c'est pas encore plein mais ça s'en vient ; au retour il n'y a que moi & un homme qui, quelques sièges derrière moi, marmonne des choses inintelligibles mais voraces, agressives, d'une intensité atténuée par la pluie qui roucoule contre les vitres, par ces bruits qui rappellent le fond des mers & un silence qui n'en est pas tout à fait un. À Montréal je me glisse dans des wagons de métro, toujours bondés parce que je suis toujours là au mauvais moment, & le plus souvent je marche ; à Longueuil je lis sur Molotov qui aimait Chekhov & je suis heureuse d'être de retour dans un autobus presque vide, surtout le soir, surtout sous la pluie. Quand je suis arrivée à Québec c'est une des choses que j'aimais le plus au monde, prendre l'autobus dans le noir pour aller voir des amis que j'avais à Limoilou -- poser ma main contre la vitre froide, tracer des dessins autour des lumières de la ville. Tirer doucement sur le cordon jaune pour demander l'arrêt suivant. Même que c'est une des choses dont je m'ennuyais à Moscou : les autobus mais surtout le cordon jaune, lever le bras, tendre les doigts, le son de clochette. Mais quand je suis revenue à Québec, les autobus (ou peut-être pas tous, peut-être seulement ceux que je prenais) n'avaient plus de cordons jaunes, seulement des boutons rouges encastrés dans l'armature des véhicules. 

 Peut-être que c'est à ce moment-là que je me suis dit que je devrais déménager. 


 2. La semaine dernière j'ai pris le métro avec une garderie au complet, seize flots d'âge pré-scolaire qui se sont tous assis à même le plancher du wagon, déjà emmitouflés dans des tuques & des foulards & des pelures qui leur faisaient des joues très rouges & des j'ai chauuud très lancinants, & moi j'étais encore là à prendre des milliers de photos dans ma tête, à cadrer & recadrer, à noter les types de lainage & la qualité particulière des couleurs sous l'éclairage du wagon de métro, & je me suis demandée, pas pour la première fois mais quand même, pour qui, dans quel but précis j'emmagasine autant d'images.




C'est toujours mieux d'avoir vécu que d'avoir écrit, je crois, sauf qu'écrire les choses vécues me les rend plus vivantes. C'est une drôle de contradiction.