mardi 18 janvier 2011





À Toulouse l'hiver est surtout humide. Le matin je m'éveille & depuis mon coin du lit je vois que la fenêtre est enduite d'une buée chaude dans laquelle j'aurais envie de tremper un doigt pour te dessiner des volées d'oiseaux, me raconter une histoire, éclaircir un bout de paysage. À travers la dentelle de condensation je peux voir le rouge des tuiles qui ondulent sur les toits en pente, aussi le bleu qui se déroule au-dessus ; ce sont des couleurs à réchauffer le coeur. & puis sinon, il y a toi.




Ça fait six jours que je bois pas plus qu'une seule minuscule petite tasse de café noir par jour. Je sais pas comment je fais.




À l'endroit où je travaille il y a une cuisinette avec seize saveurs différentes de thé, j'ai compté, & un poster géant qui recense les plantes médicinales de la région. La première journée je suis arrivée cinq minutes en retard, complètement paniquée, pour me rendre compte que j'étais là avant tout le monde & que le bâtiment était encore verrouillé. Pour m'y rendre je remonte toute une série de rues dont je ne connais pas encore les noms mais que j'identifie autrement -- celle où les Maghrébins sifflent gazelle gazelle gazelle!, celle où un gros chat noir obèse essaie désespérément de se faufiler entre les barreaux d'une clôture pour venir se frotter contre ma main tendue, celle où le clochard aux gros chiens m'offre une cigarette, toujours, chaque matin depuis que je suis ici, je les roule moi-même pour pas choper rien, je te jure, tu sais pas ce que tu peux choper avec une cigarette que t'as pas roulée toi-même. Je m'en souviendrai.

Le midi je m'assois au soleil, en face de la fontaine du Grand Rond, & je lis La constellation du lynx, les joues tièdes mais les doigts froids. Je vois de petites hipsters Françaises, les collants picotés, la jupe jaune moutarde, les épaules frêles & les lunettes, est-ce qu'il faut vraiment un qualificatif pour les lunettes? Elles sont assises dans l'herbe & se prennent mutuellement en photo avec une Holga bleu ciel, font des regards flous pour l'objectif. Je presse mes écouteurs contre mes oreilles, comme si je voulais que David Bowie s'infiltre dans mes tympans, glisse dans ma gorge, s'installe dans mon estomac. Je vois deux enfants, un frère & une soeur, qui s'amusent à sauter entre les crottes de chien qui parsèment le trottoir. Je retourne travailler en laissant fondre un carré de chocolat au lait sur ma langue.