tag:blogger.com,1999:blog-21161667846933690712024-03-14T01:49:59.602-04:00crayon d'ardoise & pattes de moucheAméliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.comBlogger150125tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-69964861418964216082012-07-10T12:36:00.001-04:002012-07-10T12:36:46.936-04:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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Si jamais vous avez envie de m'entendre radotter sur le Pays basque, je suis finaliste pour le Prix du récit de Radio-Canada -- & c'est juste <a href="http://zonedecriture.radio-canada.ca/2012/07/recit-finaliste-pour-labstrait-et-les-etoiles-damelie-panneton.html">ici</a>. & <a href="http://zonedecriture.radio-canada.ca/2012/07/amelie-panneton-finaliste-prix-du-recit.html">ici</a>, aussi.<br />
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...je dois tout de suite casser le punch & dire que c'est pas moi qui suis la grande grande gagnante, mais tsé. Ça me rend quand même pas mal heureuse.<br />
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<br /></div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com15tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-30586646419342369032012-06-16T14:28:00.001-04:002012-06-16T14:31:06.298-04:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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Je fais des oeufs brouillés le matin. Je bois des café latte de façon volontaire pour la première fois de ma vie. J'achète un billet d'avion pour l'Ukraine. J'assiste à des conférences données par des gens tellement à gauche que je finis par me sentir un peu coincée & aride, cartésienne & trop pointilleuse. Je vais (presque) partout à vélo & j'espère me faire prendre par la pluie bientôt, juste parce que, juste pour entendre le son que ça que ça fait, des gouttes de pluie sur un casque. Je relis des livres avec lesquels je retombe en amour. J'écris dans des endroits publics, à plat ventre dans des parcs au soleil ou coincée contre la fenêtre à peu près propre d'un café. Quand je suis triste, le dimanche soir, je bois toute seule une <i>stout</i> très foncée qui goûte le moka, & les choses se tassent. </div>
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C'est pas que j'essaie de changer, mais ça fait du bien de me tricoter un été qui ait quelque chose de différent de tous ceux d'avant.
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-44985543665769677162012-06-09T17:21:00.001-04:002012-06-09T17:21:37.286-04:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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Il y a des aigrettes de pissenlit qui dansent devant mes fenêtres & je mets un bon trente-cinq secondes à comprendre que c'est pas de la neige. Mais c'est que dans mon appartement il fait froid : je fais du thé juste pour le plaisir de pouvoir frôler la tasse de mes orteils nus.
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-71744296895513510152012-04-20T20:15:00.000-04:002012-04-20T20:15:24.364-04:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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Je pédalerais jusque chez toi. J'extirperais mon vélo de son cadenas, je l'aiderais à naviguer les recoins de la cour intérieure & ceux de mon appartement, je le ferais maladroitement dévaler les trois marches qui séparent la porte du trottoir. La sangle du casque chatouillerait ma gorge & j'aurais comme quelque chose de coincé dans le larynx -- de petites trahisons qui passent mal, des erreurs encore toutes jeunes. J'enfourcherais le vélo & je me glisserais entre les voitures immobilisées dans le trafic & je pédalerais jusque chez toi.</div>
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Au bout du trajet il y aurait quelque chose de grand, peut-être.</div>
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J'écoute Émilie Proulx, j'écoute la radio, j'écoute la pluie qui écorche le sol bétonné de la cour intérieure ; j'ai la tête qui tourne à force d'être si triste & déçue & en colère & remuée & malmenée, tout ça en même temps, tout ça simultanément. Mes petites déchirures à moi sont happées par les grandes choses qui font les grands titres & je les laisse aller, je les laisse se fondre dans la masse. C'est correct.</div>
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-36091603791287774972012-04-14T08:00:00.000-04:002012-04-14T08:00:02.642-04:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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Le chat roulé en boule dans l'évier de la salle de bain, les livres de trois bibliothèques différentes qui s'emmêlent sur une seule tablette. Les vêtements que je sors de leurs tiroirs & que j'essaie & que je drape sur des bouts de chaises & des portes entrouvertes. La grosse lampe de poche qui sur la table côtoie une paire de lunettes 3D, des écouteurs défectueux, du courrier destin à l'ancienne locataire & les trois dernières pages d'un article scientifique qui tente désespérément de modéliser la participation citoyenne : il n'y a rien qui chez moi soit à sa place. Il n'y a rien qui dans ma tête soit à sa place.</div>
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Dans la nuit de jeudi à vendredi, il est une heure du matin & je suis à vélo, à vélo & en jupe, à pédaler les genoux serrés même s'il n'y a pas grand-monde pour voir ce qu'il y a en dessous. Je traverse tout Rosemont & je fredonne des bouts de chansons que je raccorde maladroitement les uns aux autres ; je suis pas exactement sereine, pas particulièrement heureuse non plus, je traîne une drôle de fébrilité qui tire sur l'angoisse, mais je me dis qu'il reste toujours les gens qu'on peut appeler en catastrophe, un jeudi soir, & les choses apaisantes qu'ils savent vous servir avec une tasse de thé. Je tire les manches de mon chandail jusqu'au bout de mes doigts & j'agrippe très fort le guidon, comme si j'avais peur de tomber.</div>
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-61961800190835006312012-04-08T19:51:00.000-04:002012-04-08T19:57:35.873-04:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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C'est le printemps & le chat perd ses poils de façon presque impétueuse. Je sors le vieil aspirateur style R2-D2 que l'ancienne locataire m'a laissé & j'essaie de libérer l'air & les surfaces d'une partie des rebuts de pilosité qui les encombrent, mais sans grand succès. Avant de sortir je fais glisser la brosse sur mes vêtements, minutieusement, mais il y a toujours ces endroits que j'oublie : l'arrière des genoux, la courbe des épaules. Je rencontre des gens & je leur parle & je reste avec l'impression que je traîne sur le bout de la langue deux ou trois poils espiègles, que c'est eux qui m'empêchent de dire les choses exactement comme je voudrais les dire.</div>
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Ce mois-ci j'ai eu envie de changer d'appartement. J'ai acheté un vélo usager à la place, & mon envie de partir s'est allégée. J'ai décidé que cet été sera l'été où j'arrêterai d'avoir horriblement peur de me déplacer à bicyclette en ville. Jusqu'à maintenant, c'est un dur combat que je suis pas certaine d'être en voie de gagner.</div>
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(Mais j'ai quand même encore un peu envie de partir.)</div>
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Parfois je préfère éviter les gens parce que je sais qu'après il faudra que je réapprenne un peu à être seule. C'est une crainte qui en vaut pas tellement la peine.</div>
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-16514212846728241432012-03-20T22:39:00.000-04:002012-03-20T22:39:36.259-04:00<p align=justify>
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<br>Aujourd'hui j'ai fait comme tout le monde, je suis sortie dehors.
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Je suis partie à pied vers la bibliothèque avec les trente-six mille livres que j'avais à rendre, la sangle de mon sac s'enfonçait dans ce creux qu'il y a entre le cou & l'épaule mais c'était pas grave, les premiers jours chauds de printemps endorment toutes les petites douleurs. J'ai croisé un gars qui m'a regardé & qui a rebroussé chemin pour me suivre. Après quatre coins de rues, alors que j'attendais le feu vert pour traverser, il est venu très près de moi & m'a dit <i>j'aime le bruit que tes talons font contre le trottoir</i>. Je me suis dit <i>seigneur cibole</i>, mais il est reparti dans la direction opposée. J'ai enlevé mes écouteurs & j'ai trouvé qu'il exagérait un peu, parce que moi j'entendais pas grand-chose.
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À la bibliothèque je suis montée m'asseoir devant les grandes fenêtres du troisième étage. La femme devant moi lisait un gros livre de théories conspirationnistes ; sur la couverture rouge il y avait Michael Jackson, & les tours du World Trade Center, & quelqu'un qui ressemblait à un Amish mais qui aurait pu être Juif hassidique. J'ai lu le premier chapitre du livre de Nicolas Langelier, son roman déguisé en autre chose, mais je l'ai pas emprunté. J'ai regardé par la fenêtre & j'ai suivi des yeux le plus longtemps possible deux backpackers qui arrivaient de la gare d'autobus ; le gars avait sur la tête l'espèce de chignon trop haut de toutes les filles de mon quartier. La fille avait les cheveux détachés & le plus grand sourire du monde dans le visage. Je les ai enviés, juste un tout petit peu, de débarquer dans une Montréal rayonnante de nouvelle chaleur.
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Maintenant j'ai un chat, mais un chat qui ne restera pas très longtemps, juste le temps qu'il guérisse d'une grippe féline étrange qui demande une demi-cuillerée de sirop jaunâtre chaque matin. Je suis devenue famille d'accueil pour la SPCA (oui oui, c'est une chose qui existe) & la nuit le chat s'enroule dans mes pieds, ses moustaches me chatouillent. Quand il miaule on dirait presque un roucoulement, quelque chose de délicat et de mélodieux mais d'un peu drôle, aussi. C'est un son qui fait du bien.
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<br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-44377077094986378362012-02-23T22:36:00.001-05:002012-02-23T22:40:02.371-05:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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Les frères de ma grand-mère qui sont morts avant ma naissance ont des prénoms merveilleusement évocateurs : Dari et Saint-Georges. Comme celui qui terrasse les dragons, bien sûr, mais pour Dari j'avais pas la moindre idée jusqu'à ce que je tombe sur quelque chose la semaine dernière, au cours d'une dérive wikipédia-enne : le dari, c'est une variante du persan qu'on parle encore en Afghanistan & en Iran.</div>
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Avec des prénoms comme ceux-là, qui conjurent des images de grandes montagnes sèches & de chevaliers en armure, comment est-ce qu'on pourrait faire autrement que d'avoir envie de leur inventer des histoires?</div>
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Moi j’aime imaginer que Dari appelait Saint-Georges <i>Saint</i>, à l’anglaise, avec un <i>t</i> final bien sonore ; j’aime penser que Saint-Georges ripostait en étirant le prénom de son frère pour en faire un <i>darling</i> qui ressemblait à ceux dont mon arrière-grand-mère attifait tous ses enfants. J'aime réfléchir à leur vie, ces temps-ci, & reconstruire dans ma tête ce que ç'a pu être que de grandir dans une famille anglophone à Cap-de-la-Madeleine -- l'école chez les frères irlandais qui pinçaient de leurs gros doigts l'arrière de la nuque des garçons turbulents ; la pipe de leur père en équilibre sur le manteau de la cheminée ; les filles de la paroisse francophone qui riaient de leur accent & laissaient glisser des <i>aïlle love you</i> hors des cols relevés de leurs manteaux, l'hiver, alors qu'ils se croisaient tous à la hauteur de la rivière Saint-Maurice. Pas parce qu'elles les aimaient, que ma grand-mère m'a toujours dit, mais parce qu'elles ne savaient pas dire autre chose.</div>
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L’avion de Dari s’est perdu quelque part au-dessus d’un océan durant la Deuxième Guerre mondiale, & tout ce que je sais de Saint-Georges, c’est que tout juste avant de mourir il avait perdu tous ses cheveux, ses sourcils, & même ses cils. </div>
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Moi je continue à croire que les fictions qu'on invente aux gens qu'on aurait voulu avoir l'occasion d'aimer parlent parfois mieux d'eux que le récit de la fin de leur vie.</div>
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Je lave mes robes à fleurs & à oiseaux & à drôles de motifs verts turquoise blancs dans l'évier de la salle de bain, je les glisse soigneusement sur des cintres & je les suspends sur la tringle de la douche pour qu'elles sèchent devant la fenêtre entrouverte. Ça fait des gouttes sur le plancher & des taches de couleur dans ma vision périphérique chaque fois que je passe devant la salle de bains & aujourd'hui je fais des milliers d'aller-retour, quatre brassées de lavage dans la buanderie du building & le balai partout dans l'appartement, le chiffon humide pour l'époussetage, le vinaigre pour désinfecter & le frigo que j'essaie de vider. Je prends l'avion très tôt samedi matin & j'ai hâte de faire mes bagages.</div>
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-7260969881149052062012-01-28T16:49:00.000-05:002012-01-28T16:51:17.605-05:00<br>
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<p align=justify>Qu'est-ce qui reste aux journées quand elles sont presque entièrement grises, de l'eau qui stagne dans les grandes flaques de gadoue jusqu'aux petits bouts de ciel qui chatouillent le haut de mes fenêtres? Le thé très rouge, peut-être, mon ukulélé turquoise, le rose de mes lèvres toujours gercées, écrire sur les collines d'un vert humide qui entourent Gasteiz. Tricoter avec application des bas rayés, du jaune & du vert, encore ; tenter de qualifier le orange des taches de rouille qui montent le long des vélos toujours empilés dans la cour intérieure -- orange brunâtre, orange calciné? Écouter <a href="http://pierremarie.bandcamp.com/album/late-in-the-day">Pierre & Marie</a> en boucle & penser à toutes les couleurs que je connais pas. <i>Chartreuse</i>, est-ce que c'est commme une sorte de jaune?
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C'est ce que je me demandais hier, mais aujourd'hui il fait beau & j'y pense plus.
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Je me suis aperçue que le plus souvent je vois l'acte d'écrire comme quelque chose de très délicat, une petite créature fragile qu'il faut enrober de précautions, de routines particulières, pour laquelle il faut créer des espaces douillets & réconfortants, de bons espaces chauds où le monde extérieur ne s'insinue presque pas. Je suis pas certaine que ce soit vrai. Ces temps-ci tout ce que je fais est très chaotique, j'empile pêle-mêle des phrases qui sortent de nulle part, & c'est pas comme une image de cinéma, je serai jamais cette figure de l'écrivain qui entre littéralement en transe devant l'écran de son ordinateur, mais il y a quelque chose de bon dans le désordre. Ça m'aura pris très longtemps à le comprendre.
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Hier la madame au comptoir de la bibliothèque de quartier m'a reconnue quand je suis venue récupérer une réservation, un grand sourire & <i>oui oui oui, je sais que j'ai quelque chose pour toi</i>. & c'est pas la première fois, mais je me suis sentie chez moi ici, à Montréal.
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<br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-56252717470217964772012-01-20T09:34:00.000-05:002012-01-28T16:50:36.005-05:00<p align=justify>
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Chez moi c'est tout petit & chaque fois que j'y entre ça sent le café, ça <i>embaume</i> le café, une bonne odeur corsée qui réchauffe quelque chose en moi, je pourrais pas dire exactement quoi, peut-être le plexus solaire ou cet endroit que je sais jamais comment décrire, un peu passé la base du cou, là où les clavicules distendent la peau & forment comme ds digues devant toutes les plus petites marées du monde.
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Ça me rappelle aussi que je m'étais promis de boire beaucoup moins de café, c'était ma seule & pitoyable & minuscule résolution du Nouvel An, mais ça c'est déjà autre chose.
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Cette semaine je suis passée assez systématiquement à travers toutes les archives de <a href="http://noussommeslesfilles.com"><i>Nous sommes les filles</i></a> &, tsé. C'est ce que vous devriez faire aussi, je pense.
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C'était au début du mois de janvier & c'était très tôt le matin ; je suis sortie pour que le froid de l'hiver chasse ce qui me restait de décalage horaire. Il faisait encore presque noir, seulement de grandes traînées de gris pâle dans le fond du ciel, mais au coin de St-Denis & St-Joseph il y avait déjà un squeegee qui plaidait à genoux devant une voiture de police. Il y avait des morceaux de sable & de gros sel sur les trottoirs, & je me suis dit que ça grugerait le tissu de ses pantalons s'il restait comme ça trop longtemps.
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J'ai marché longtemps parce que j'avais la tête trop embrumée pour faire autre chose. J'avais laissé mes mitaines chez moi alors après un moment j'ai fait quelque chose que je fais jamais : je suis entrée quelque part pour prendre un déjeuner un oeuf bacon des toasts pleines de beurre à trois & quatre-vingt quinze. Quand la serveuse est venue prendre ma commande je n'avais pas faim, mais dès que j'ai crevé le jaune d'oeuf pour y tremper un bout de pain j'ai eu envie de tout engloutir, il y avait quelque chose dans mon ventre qui s'était ouvert. Je me suis dit que manger c'est comme avoir du chagrin, un peu : plus on pleure & plus on trouve des raisons d'être triste. À la radio il y avait Frank Sinatra qui chantait une chanson de Noël même si ce n'était plus Noël, & ça m'a fait penser à toi.
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<br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-51565082178351151532012-01-12T22:33:00.001-05:002012-01-12T22:36:23.673-05:00<br><br><br>
<p align="justify">Le 23 décembre j'ai pris une des premières navettes pour l'aéroport, celle de six heures ; de grands bouts de nuit traînaient encore sur la ville, du noir & du gris mais pas vraiment de neige, pas encore. Autour du coin René-Lévesque & Peel il y a trois très petites Latino-Américaines qui sont montées, enrobées comme moi dans de longs foulards de laine & toute une pelure de fatigue. La plus jeune s'est endormie sous son capuchon bordé de fausse fourrure & les deux autres ont entrepris une conversation languissante, toute plein de répétitions & de syllabes encore engourdies par le petit matin. Je me souviens qu'elles se vouvoyaient l'une l'autre avec des <i>usted</i> très formels. J'ai regardé les premières miettes de trafic par la fenêtre en les écoutant parler des congés qu'elles n'auraient pas & de Noël qu'elles passeraient à faire des lits, tapotant les oreillers de leurs mains asséchées par les produits nettoyants.
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Moi le soir même je suis restée bloquée à Chicago, dans une grande chambre d'hôtel payée par Air Canada, & je me suis rappelée l'année où je m'étais levée à six heures le premier janvier pour aller nettoyer les restes de la veille du Jour de l'an à l'Auberge Saint-Antoine. À six heures quarante-cinq, les rues de Québec étaient tellement vides & blanches, tellement pleines de ce silence particulier que la neige en tombant tisse dans l'espace, que ça m'avait donné le goût de me lover contre quelqu'un, n'importe qui, parce que partager un moment avec une autre personne c'est aussi le prolonger, juste un peu, en se réservant la possibilité de le revivre plus tard, de verbaliser un souvenir qui n'est pas qu'à nous. Parce que quand il y a quelqu'un d'autre, tout devient juste un peu plus vrai.
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& puis je suis arrivée à l'Auberge, & j'ai vu que les chambres étaient sales à en donner mal au coeur, & j'ai eu envie de pleurer. Il y a même une suite, je m'en souviens, qui a réussi à me couper l'appétit pendant à peu près trente-six heures.
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Mais le 23 décembre, à Chicago, je me suis endormie en regardant un épisode de <i>Say Yes to the Dress!</i>, une fille confrontée au dilemme de sa vie parce que son père refusait de lui allouer plus de 4500$ pour sa robe de mariée. & le lendemain je suis partie en laissant trois dollars fripés sur l'oreiller.
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Je suis arrivée à Toulouse avec soixante-neuf copies d'examen dans mes valises, toutes à corriger avant le six janvier ; je suis repartie avec des livres & une nouvelle robe, le souvenir d'un café en terrasse l'après-midi du 27 décembre, certains chagrins tenaces, on y échappe pas, mais aussi de belles choses dans le ventre & un tout nouvel ukulélé, surtout, que je ne suis pas certaine de savoir accorder comme il faut mais dont je joue tous les jours, au moins juste un peu pour le plaisir d'enterrer mon voisin quand il se remet au piano & aux trémolos de ses mauvaises ballades faites maison.
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Ç'a été un très beau Noël.
<br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com6tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-8521864521079489442011-12-01T23:04:00.001-05:002011-12-01T23:23:37.452-05:00<div dir="ltr" style="text-align: left;" trbidi="on">
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La fille de Postes Canada qui travaille dans la pharmacie près de chez moi m'a confirmé que toute une trâlée d'employés prennent une joie particulière à lire les cartes postales que les touristes confiants (& les filles nouvellement montréalaises de presque vingt-six ans tout aussi crédules) leur remettent. J'envoie la mienne à A., qui enseigne l'anglais dans une petite ville près de Lyon, & la fille de Postes Canada me parle des British qui lui en confient une quinzaine d'un coup, quinze destinataires différents mais un seul message : c'est ben beau Montréal, mais il y a pas un seul vrai pub dans toute la ville. Horreur.
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Deux histoires de transport en commun : </div>
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1. Je vais à Longueuil pour aller voir mon médecin, un homme très gentil qui ne me regarde jamais dans les yeux (ce qui fait que nous parlons tous les deux aux piles de documents sur son bureau durant les consultations), & je prends l'autobus. À l'aller c'est le début de l'heure de pointe & c'est pas encore plein mais ça s'en vient ; au retour il n'y a que moi & un homme qui, quelques sièges derrière moi, marmonne des choses inintelligibles mais voraces, agressives, d'une intensité atténuée par la pluie qui roucoule contre les vitres, par ces bruits qui rappellent le fond des mers & un silence qui n'en est pas tout à fait un. À Montréal je me glisse dans des wagons de métro, toujours bondés parce que je suis toujours là au mauvais moment, & le plus souvent je marche ; à Longueuil je lis sur Molotov qui aimait Chekhov & je suis heureuse d'être de retour dans un autobus presque vide, surtout le soir, surtout sous la pluie. Quand je suis arrivée à Québec c'est une des choses que j'aimais le plus au monde, prendre l'autobus dans le noir pour aller voir des amis que j'avais à Limoilou -- poser ma main contre la vitre froide, tracer des dessins autour des lumières de la ville. Tirer doucement sur le cordon jaune pour demander l'arrêt suivant. Même que c'est une des choses dont je m'ennuyais à Moscou : les autobus mais surtout le cordon jaune, lever le bras, tendre les doigts, le son de clochette. Mais quand je suis revenue à Québec, les autobus (ou peut-être pas tous, peut-être seulement ceux que je prenais) n'avaient plus de cordons jaunes, seulement des boutons rouges encastrés dans l'armature des véhicules. </div>
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Peut-être que c'est à ce moment-là que je me suis dit que je devrais déménager. </div>
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2. La semaine dernière j'ai pris le métro avec une garderie au complet, seize flots d'âge pré-scolaire qui se sont tous assis à même le plancher du wagon, déjà emmitouflés dans des tuques & des foulards & des pelures qui leur faisaient des joues très rouges & des <i>j'ai chauuud</i> très lancinants, & moi j'étais encore là à prendre des milliers de photos dans ma tête, à cadrer & recadrer, à noter les types de lainage & la qualité particulière des couleurs sous l'éclairage du wagon de métro, & je me suis demandée, pas pour la première fois mais quand même, pour qui, dans quel but précis j'emmagasine autant d'images.
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C'est toujours mieux d'avoir vécu que d'avoir écrit, je crois, sauf qu'écrire les choses vécues me les rend plus vivantes. C'est une drôle de contradiction.
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</div>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-47564668118818418802011-10-03T11:51:00.000-04:002011-10-03T11:53:09.975-04:00<p align=justify><br><br><br>
Ces temps-ci ça ne va pas très bien, & quand ça ne va pas très bien il y a pas grand-chose à dire.
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Depuis que je suis à Montréal que j'écris des histoires sur le Pays basque, des bouts d'histoires éparses qui mènent nulle part ; c'est tellement plus difficile de raconter les endroits qui nous appartiennent pas tout à fait. Mais même après quatre ans je traîne pour Gasteiz une nostalgie dont je vois pas le bout, surtout en ce moment je vois pas le bout, je vois pas quand ça fera comme toutes les autres histoires d'amour avortées, quand ça arrêtera d'élancer le coeur pour devenir autre chose, un souvenir, un chapelet d'anecdotes, la matière peut-être un peu douloureuse mais tout de même malléable avec laquelle on se tresse des fictions. Sur le Pays basque j'écris des histoires qui ne réussissent pas encore à être des histoires, parce que j'arrive pas à faire la différence entre ce qui vaut la peine d'être raconté & ce que je dois garder pour moi, la masse incroyable de détails qui grouille dans mon ventre.
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(En général je crois que je m'ennuie plus des pays où j'ai habité que des garçons que j'ai aimés, je sais pas ce que ça dit sur moi.)
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Sinon je lis de longs livres & je regarde de longs films (hier <i>The Deer Hunter</i>, est-ce que quelqu'un savait que Christopher Walken a déjà été beau?), comme pour me donner le temps de voir les choses venir. Comme dans : tant que j'ai pas fini <i>The Golden Notebook</i> j'ai pas besoin d'aller mieux, tant que je l'ai pas fini c'est pas grave d'être triste, c'est correct c'est correct c'est correct.
<br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-71961395894398410632011-09-12T08:34:00.001-04:002011-09-14T21:50:10.895-04:00<br><br><br><p align=justify>
& ce matin c'est l'heure du <a href=http://sainthenri.blogspot.com/2011/09/tag-des-boules-mites.html>tag des boules à mites de Clarence</a>, où il faut <i>ressortir un vieux texte à prétention littéraire et le recopier avec un minimum d'explications contextuelles, pour le plus grand plaisir de tous et toutes</i>.
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& évidemment je vais tricher, & donner des <i>explications contextuelles</i>.
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J'avais seize ans, c'était l'été 2002, & je passais mes journées à travailler dans un driving range de golf (je suis pas certaine de la traduction -- un terrain de pratique? un champ où taper des balles?). C'était dans le fin fond de <a href=http://en.wikipedia.org/wiki/McLeods,_New_Brunswick>McLeods</a>, c'est-à-dire dans le fin fond du Nord du Nouveau-Brunswick, c'est-à-dire l'endroit où j'ai passé quinze ans de ma vie, c'est-à-dire un bout de territoire même pas assez densément peuplé pour obtenir le statut de village, alors j'avais à peu près quatre clients par jour & une petite télé en noir & blanc où je me souviens avoir suivi avec attention la Coupe du monde de soccer (tsé, l'année où la Corée du Sud a surpris tout le monde?) même si j'ai jamais aimé le soccer. Après avoir lu quarante-cinq livres en deux mois & demi, j'ai commencé une espèce de roman, que j'écrivais à l'encre violette (très importante, l'encre violette) sur des feuilles mobiles pour ensuite tout recopier très lentement à l'ordinateur durant mes jours de congé. J'ai réussi à étirer ça sur soixante-deux pages avant de l'abandonner à la mi-septembre. C'est en général très très ennuyant (je pense que je comprenais pas encore tout à fait le principe de <i>l'intrigue</i>) & pas mal abusivement mélodramatique, comme ici :
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<blockquote>Peu importe la cause réelle de son état, ce n’est pas la première fois qu’elle exige mon support moral. Ma mère a un tempérament artistique, après tout, et elle lutte contre la mélancolie, les frivolités, les excès. C’est connu: une fois l’an, elle déprime, elle sombre jusqu’au fond de l’abîme et elle refuse de remonter. Si je suis chanceuse, ça se passe durant l’hiver, tandis que les premières neiges de décembre m’aveuglent et m’engloutissent au fond de ma semi-campagne. Malheureusement, à tous les deux ou trois étés, elle se décide au mois de juin et s’empresse ensuite de m’entraîner au fond du trou noir qui lui sert de repaire. Subitement, nous sommes deux à nous débattre contre les pluies torrentielles de l’angoisse et du désespoir, et ma mère s’arrange habituellement pour se recroqueviller sous le seul parapluie que nous possédons.
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Avec les années, j’ai appris à m’éloigner, comme on évite le noyé pris de panique qui agrippe tout ce qui passe. Ce n’est pas la plus belle des images illustrant l’amour qui unit une fille à sa mère, mais c’est celle que les chagrins de la mienne m’inspirent. Si j’ai le malheur de m’approcher, de caresser sa joue du bout des doigts ou de lui murmurer quelques paroles de réconfort, je sais qu’elle m’enlèvera tout ce qui m’empêche de m’effondrer, tout simplement parce qu’elle ne peut pas faire autrement. Ce n’est pas qu’elle veule m’étouffer, non; c’est seulement qu’elle n’a pas assez d’énergie pour penser aux autres. Et quand on sait combien elle s’intéresse à ma vie et à mes rêves en temps normal, c’est facile d’imaginer à quel point elle devient égoïste lorsque sa vision s’assombrit. Malgré tous ses défauts, j’aime bien ma mère, mais c’est impossible d’aider quelqu’un qui veut vous écraser. Il n’y a qu’une fragilité apparente, dans ces cas-là, et aucune considération pour le sauveteur.
</blockquote>
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On voit que j'avais une belle appréciation des figures de style.
<br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com11tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-84776462684212836302011-09-05T13:30:00.000-04:002011-09-05T15:21:52.444-04:00<br><br><br><p align=justify>Ce matin je faisais du ménage & j'ai eu comme une illumination. C'est pas quelque chose qui m'arrive souvent -- avoir une illumination, & puis faire du ménage. Dans le sens de : faire du ménage, je le fais pas assez souvent, je pense que personne le fait assez souvent, mais en entrant dans un nouvel appartement j'ai toujours les meilleures des meilleures intentions du monde, avec la plus longue liste possible de choses saines & bonnes & vraies à implanter immédiatement dans mon quotidien, alors c'est ça, une semaine que je suis ici & je fais déjà du ménage, du vrai de vrai ménage, le haut des fenêtres & l'aspirateur entre les lattes de bois du plancher & le spray le plus incroyablement chimique de la planète pour désencrasser le four & le balais jusque dans le fin fond du garde-robe de l'entrée. Aussi dans le sens de : c'est la première fois que j'ai une illumination en faisant du ménage. (Je crois pas que le ménage soit habituellement propice aux illuminations? Mais faudrait creuser le sujet.) C'est peut-être aussi une des premières fois où j'ai une illumination (commencez-vous à être tannés de ce mot? parce que moi oui), parce que dans la vie je fais les choses petit à petit, & les pense petit à petit, & arrive à de grandes décisions après les avoir mûries durant à peu près trois mois & demi. Donc pas beaucoup de spontanéité, c'est triste mais faut le dire, & pas d'illuminations non plus. <br />
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Bref. Ce qui est arrivé ce matin, c'est que je faisais du ménage après avoir passé deux heures à me dire que je devrais commencer, & une demi-heure à construire soigneusement une playlist propice au ménage (l'adverbe que j'aimerais utiliser ici c'est <i>painstakingly</i>, dans le sens de lentement & avec juste assez de concentration pour que ça commence à donner un peu mal à la tête, mais j'arrive pas à trouver une traduction qui dise exactement toutes ces choses-là), & je me suis rendu compte qu'en général je faisais pas assez souvent le ménage parce que je sais que si je commence je vais y être plongée au moins une demi-journée, parce que je veux toujours que ce soit le ménage qui surpasse tous les autres ménages, qu'après mon passage les planchers brillent à en écorcher les yeux, que l'appartement au complet embaume le propre & l'aéré & le sain & le douillet & que je puisse m'asseoir deux minutes sur une chaise & me dire ça y est, c'est fait, tout est juste <i>parfait</i>. & je me suis aperçue que (voici l'illumination qui arrive, on l'attendait depuis un paragraphe & demi) je vois l'écriture un peu comme ça, beaucoup comme ça, même ici où c'est supposé être informel & toujours au moins un peu broche à foin, & j'écris pas assez souvent parce que quand j'écris je voudrais dire tout ce que j'ai à dire en même temps, en même temps mais subtilement, doucement, de la façon la plus agréablement détournée mais la plus claire possible, je voudrais dire tout ce que j'ai à dire <i>exactement</i> & comme, je sais pas, incomparablement -- je voudrais dire les choses de façon précise & belle & <i>parfaite</i> tout en sachant que c'est impossible, alors je me retrouve avec comme une montagne de choses sur lesquelles je voudrais écrire & sur lesquelles j'écris jamais, parce que c'est compliqué & que j'arrive pas à les formuler comme je voudrais.<br />
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Comme : il y a quelques semaines ma petite soeur a revu une fille avec qui je suis allée à l'école, & la fille lui a dit de me dire qu'elle me félicitait pour le livre, & aussi qu'elle avait <i>toujours été certaine</i> que moi je ferais <i>des grandes choses dans la vie</i>, & ça m'a fâché parce c'est une fille qui m'a rendu la vie misérable à treize ans & demi & que j'aurais mieux aimé avoir une once de sympathie de sa part à cet âge-là que des esties de <i>j'ai toujours su que</i> enthousiastes maintenant. <br />
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Comme : parce qu'à la petite école & après à la polyvalente j'ai toujours toujours <i>toujours</i> eu de très bonnes notes, j'ai passé une très grande partie de ma vie à entendre tout le monde rassurer les autres que l'école c'était pas la vraie vie & que eux seraient bons dans la vraie vie & que c'est ce qui comptait, la vraie de vraie vie & les talents qui s'apprennent pas à l'école, & c'est pas dramatique mais j'ai quand même essayé jusqu'à quatorze ou quinze ans d'être moi aussi <i>bonne dans la vraie vie</i>, peu importe ce que ça peut vouloir dire, être débrouillarde & pleine à ras bord de gros bons sens & avoir des projets d'avenir concrets & pas une once d'imagination (mon dieu, un peu plus & c'est la plateforme politique de l'ADQ), & j'ai eu pendant trois ans un prof de physique horrible qui imposait des exercices de laboratoire que personne pouvait compléter juste pour avoir la satisfaction de me voir rater quelque chose, & ça me rend triste de pas avoir réalisé plus tôt que ce que j'étais c'était <i>assez</i>, ç'a toujours été assez, & que c'est pas grave si je serai jamais capable de faire des travaux de rénovation d'envergure, ou sauver des vies, ou identifier toutes les forces qui entrent en jeu dans le plan incliné le plus stupidement conçu du monde.<br />
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Comme : tout le monde a des histoires d'adolescence crève-coeur parce que l'adolescence <i>c'est</i> crève-coeur, mais. Ça rend pas les choses moins laides quand j'y repense.<br />
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Comme : ça devient déprimant & c'est pas là où je voulais aller, mais pour une fois je vais laisser les choses où elles sont & juste ajouter que je sais pas trop ce que je fais ici, je sais pas trop à quoi sert cet espace-ci, mais j'ai envie que ce soit pas seulement doux ou joli ou serein ou douillet, j'ai envie que parfois ce soit pour moi, pour les choses que j'ai envie de dire, même mal, parce que sinon à quoi ça sert? & parce que ces temps-ci j'ai envie d'honnêteté, partout, dans la fiction & dans les gens que je rencontre, & la moindre des choses ce serait quand même de m'y mettre un peu moi aussi, je pense.<br />
<br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-33678110021058222322011-09-04T18:42:00.000-04:002011-09-04T18:42:38.194-04:00<br><br><br><p align=justify>
Il y a deux choses qui se rencontrent dans la cour intérieure bétonnée de mon nouvel immeuble, mais certainement pas beaucoup de soleil & pas beaucoup plus de gens : ce qu'il y a c'est de la musique, plutôt (en ce moment : le gars d'à côté qui fait des vocalises au piano, The Decemberists qui coulent du deuxième étage, & comme un fond de quelque chose qui ressemble à du Annie Villeneuve & qui vient de, je sais pas, cet endroit où vont agoniser les mauvaises power ballads avant de sortir de la mémoire collective), la musique, donc, & la dizaine de vélos qui s'entortillent dans le rack trop petit & s'accrochent aux poutres de l'escalier. Moi j'espionne la seule fille qui utilise le sien tous les jours & je lis du Asimov pour la première fois de ma vie & je laisse les fenêtres ouvertes même quand il pleut & je pense m'acheter un ukulélé pour accompagner le voisin dans ses gammes & je suis contente d'être ici, même toute seule, même sans toi, parce que c'est ça l'automne, le début & la mort de plein de choses en même temps.
<br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-26574032334081381332011-08-10T13:17:00.007-04:002011-08-10T14:05:37.922-04:00<br><br><br><p align=justify>
<br />Le mois d'août c'est toujours la même chose, c'est le moment de l'année où j'ai envie de me téléporter dans une nouvelle ville où je ne porterais que des couleurs que je ne porte presque jamais, des jaune moutarde & des verts très verts & des bleu marine dans lesquels je peux pas m'empêcher de m'empêtrer, toujours, & d'appeler bleu <i>marin</i>.
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<br />& ce qu'il y a bientôt c'est une nouvelle ville, en septembre, juste à temps pour ma première rentrée scolaire en quatre ans (SEIGNEUR), mais juste avant il y aura la fin de mon contrat (& c'est enthousiasmant, les fins de contrat m'enthousiasment toujours, elles me donnent l'impression de me voir offrir la chance de recommencer de grands pans de ma vie -- alors que non, seulement le chômage qui me dit qu'encore une fois cette année j'ai travaillé trop d'heures en dehors du pays pour pouvoir toucher quoi que ce soit) & il y aura aussi les États-Unis, ça fait longtemps que je suis pas allée aux États-Unis, & j'y ai jamais été avec autant de choses dans le coeur, des choses délicieusement douces & déjà merveilleusement nostalgiques, & ça donne tout une auréole de, je sais pas, quintessence américaine! aux endroits dans lesquels je me projette déjà, y compris l'estie d'auberge sketchy de Brooklyn & les coquerelles qui en ont ou n'en ont pas fait leur demeure.
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<br />Sinon, qu'est-ce que je lis en ce moment? Je me relis certainement pas, ça c'est sûr, j'ai des bouts d'histoires qui traînent partout & qui me donnent un peu mal au coeur chaque fois que j'y pense, dont une où j'ai très maladroitement essayé de faire un parallèle entre <i>vie de quartier</i> & <i>ne pas faire de quartier</i>, en plus ça parlait d'une bibliothèque, bref, le nombre de choses que j'essaie & que je rate, plus rien peut me tuer.
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<br />Mais! Pour ce qui est de mes lectures, cet été j'avais l'intention d'engloutir une ou deux (possiblement trois ou quatre) grosses briques indiennes, celles qui comme <i>A Suitable Boy</i> passent allègrement le cap des mille pages, dans un effort un peu plus constant de lire autre chose que des auteurs blancs/nord-américains/ouest-européens, & aussi parce que comme les bons trois quarts des gens qui voyagent j'aimerais un jour aller en Inde, idéalement après être retournée en Russie pour faire le Transsibérien (& après la Corée du Sud, & la Chine, & peut-être l'Indonésie & sûrement le Brésil, on s'entend que je mourrai pauvre & perdue en terre étrangère). Évidemment, les éléphantesques romans indiens, ça s'est pas fait. J'ai lu de façon éparpillée, une espèce d'histoire des Roms récemment & beaucoup de romans québécois, la brique de Vargas Llosa que la bibliothèque m'a forcé à acheter parce que j'en avais accidentellement gondolé les pages, plein de bonnes choses & quelques mauvaises aussi, forcément. Si je pense à mes lectures je pense à mon été, qui en a été un d'exubérance fébrile & d'angoisses légères (quoique plus lourdes chaque fois que j'ai eu à penser à mon cours de statistiques par correspondance), & probablement ça reflète ma façon de choisir les livres à lire, en renonçant à contenir l'hyperactivité qui me secoue les membres depuis la mi-juin, l'envie de tout faire en même temps, la tentation de s'enrouler avec ferveur dans les moments qui deviendront des souvenirs.
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<br />Je pense à la tasse bleue dans laquelle je bois du café tous les jours au travail, une seule minuscule petite tasse de café & c'est tout, en fait c'est la seule tasse que j'ose prendre dans l'armoire commune de la cuisinette parce que je traîne l'impression infondée que toutes les autres sont déjà secrètement revendiquées par des collègues d'une ancienneté respectable, je pense à cette tasse & je me dis qu'il est temps de partir. Il y a quelque chose d'insidieux dans la tendresse mal placée, la tendresse inutile qu'on peut avoir pour un objet.
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<br />Alors il est temps de partir, & de faire des boîtes, & surtout de faire le tri dans toutes les milliers de choses en trop dont j'ai envie de me départir. Cette fois-ci je pars parce que je redoute encore de m'appesantir, & parce que je veux rester légère juste encore un tout petit peu.
<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-81835541346591589722011-07-13T17:32:00.003-04:002011-07-13T18:03:11.936-04:00<br><br><br><p align=justify><br />Je vais à Montréal pour essayer de me trouver un tout petit appartement & je réussis, entre deux stations de métro, à déverser une bouteille d'eau en entier dans mon sac. C'est surtout <i>La guerra del fin del mundo</i> qui écope, un livre de Mario Vargas Llosa que j'ai l'impression de traîner depuis à peu près un mois (quoique probablement plus une semaine & demie). Quand je l'ouvre aujourd'hui, assise sur une table à pique-nique, entourée de mouches & d'enfants de six ans à qui je viens de passer deux heures à essayer d'apprendre à distinguer <i>circle</i> de <i>triangle</i>, les pages en sont encore toutes humides & l'encre mouillé des mots s'accroche au bout de mes doigts.<br /><br><br><br><br />Tout ces temps-ci est fou fou fou. Parfois je me demande ce que j'essaie encore de faire ici.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-49813270287311194642011-06-07T07:25:00.003-04:002011-06-07T07:47:15.764-04:00<br><br><br><p align=justify><br />Lorsque tu te tends au-dessus de mon corps à demi endormi pour atteindre le livre qui somnole sur la table de chevet, toute la surface de ton bras me frôle & le lit tangue comme un bateau & moi, à ce moment exact où ma tête crève la surface du sommeil comme on se hisse hors de flots, moi j'aurais envie de partir en mer avec toi.<br /><br />Mais bien sûr je me rendors, bercée par les choses que je t'imagine lire tout bas, & lorsque je m'éveille à nouveau il est trop tard, la douche a raclé de sur ta peau toutes les odeurs du sommeil & il ne me reste, plutôt que de te parler d'expéditions maritimes & de voyages improvisés, qu'à lécher les gouttes d'eau qui s'accrochent encore à tes clavicules.<br /><br><br><br><br />J'ai eu la brillante idée de m'inscrire à un cours de statistiques par correspondance & je passe donc le gros de mes temps libres à ré-apprivoiser ma vieille calculatrice scientifique & les esties de formules de probabilités. Mais hier en marchant vers la bibliothèque je me suis dit que ça sentait l'été, le gazon fraîchement coupé qui a séché au soleil, que dans l'air il y avait ces petits bruits frais, nouveaux, des milliers de sandales qui claquent contre l'asphalte brûlante & le périple presque silencieux des gouttelettes de sueur dans le décolleté, & je me suis dit qu'il me restait encore à acheter une boîte de popsicles, orange fraise raisin même si j'aime pas le raisin, & à les laisser s'égoutter tranquillement au-dessus de mon bloc de papier quadrillé.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-9009544998611887332011-05-20T19:11:00.003-04:002011-05-20T19:43:54.265-04:00<br><br><br><p align=justify><br />Je suis revenue à Québec pour voter dans un foyer de personnes âgées, pour boire du cidre & fumer une seule petite cigarette de désespoir politique avec Céline Galipeau & Porcelaine, pour laisser René-Chat venir ronronner contre mon ventre vers les quatre heures vingt-deux du matin. Pour revoir Juillet, aussi, aller prendre une bière avec lui & me rendre compte que ce dont je m'ennuie le plus chez lui, vraiment, c'est le chat de sa coloc. Pour passer des après-midi de temps maussade à lire près des fenêtres & me laisser embaumer par Porcelaine & sa guitare qui chantent les plus douces des chansons de PJ Harvey. Pour recevoir des tonnes & des tonnes de bonnes nouvelles, des admissions à la maîtrise & des bourses d'études & Montréal à l'automne ; pour les dix exemplaires de mon joli livre vert, reçus un jeudi par la poste ; pour les trois tasses de café noir chaque matin & les cahiers qui se remplissent de mots & le sourire des préposés au comptoir des réservations de la bibliothèque & les rues rutilantes d'humidité dans l'après-pluie & l'impression, encore la même, de glisser précautionneusement vers l'été qui vient, en ayant toujours un peu peur d'échapper toutes les bonnes choses qui m'encombrent les bras.<br /><br />Lundi ma personne préférée au monde qui arrive à l'aéroport de Québec, dimanche Baloi que j'ai pas vue depuis janvier, & demain ma face dans Le Devoir, cibole.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com8tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-37642486470424868042011-05-01T03:12:00.006-04:002011-05-01T04:11:02.274-04:00<br><br><br><p align=justify><br />Dans l'avion je lis Roberto Bolaño en écoutant Boards of Canada. Sinon je fais de longues listes de choses à faire une fois revenue à Québec & je bois le plus lentement possible la demi-tasse de café noir qui refroidit sur ma tablette. J'ai huit taches d'encre sur les doigts, huit exactement, parce que j'ai oublié que les stylos que je préfère sont aussi ceux qui m'éclatent dans les mains en plein vol.<br /><br><br><br><br />Mercredi matin je prenais le train pour Paris, alors je me suis levée très tôt & j'ai regardé Toulouse. J'y ai vu :<br /><br />Des filles qui font du vélo en jupe courte & qui pédalent en serrant les genoux pour ne pas qu'on aperçoive leurs sous-vêtements. (Souvent ça ne marche pas.)<br /><br />Des milliers & des milliers de crottes de chien sur les trottoirs.<br /><br />Les façades orangées des édifices, de cet orange qui tire sur le saumon & que tout le monde s'obstine à appeler <i>rose</i>.<br /><br />La petite Garonne, gorgée par les pluies de la dernière fin de semaine, où les bouteilles de bière vides des lycéens & les vélos endommagés vont mourir.<br /><br />Tous les livres que je n'aurai pas lus à la Médiathèque.<br /><br />Toute l'angoisse, légère mais dévorante, que j'ai traînée à mon bureau de travail, que j'ai dissimulée sous mes papiers, enfoncée dans mes poches, glissée sous ma langue, mais qui s'est tout de même accroché à la peau de mes doigts, aux touches de mon clavier.<br /><br />Le matelas à demi défoncé de ma chambre, les grandes portes-fenêtres d'où j'ai bu toute la lumière possible & imaginable, le cadre de la porte où tu t'es penché vers moi, les mains enveloppantes & la voix chaude, pour effleurer mes joues de tes longs cils & rire contre mes lèvres.<br /><br><br><br><br />Au travail j'ai dit que j'étais venue pour le travail, aux douanes la même chose, même à mon éditrice & à mon directeur littéraire j'ai marmonné <i>ouin la France, Toulouse, c'est pour un contrat</i>, mais toi & moi on sait que ça a toujours été pour toi, & pour moi, & pas particulièrement pour le travail ; & moi je sais déjà que dans ma vie, toujours, toutes les choses grandes ou difficiles ou terrifiantes que je ferai seront faites pour des raisons trop compliquées à expliquer, ou trop simples, trop mielleuses à avouer.<br /><br><br><br><br />Maintenant je reviens à Québec vivre avec Porcelaine & René-Chat, & j'attendrai même pas la fin de Bolaño pour inonder le Réseau des bibliothèques de Québec des dix-huit réservations auxquelles je rêve depuis février.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com7tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-5958742911764494322011-04-14T08:45:00.001-04:002011-04-14T08:47:29.993-04:00<br><br><br><p align=justify><br />À Toulouse je marche tous les matins pour me rendre au travail. La plupart du temps, ça veut dire que je passe une demi-heure à sacrer contre les caves qui stationnent leur auto au beau milieu des trottoirs. J'emprunte tout un dédale de petites rues qui longent le chemin de fer, puis le canal, puis un grand bout de rien, & dehors il fait beau, des vingt degrés celsius qui enveloppent les journées de bonne chaleur insouciante, la chaleur encore un peu fraîche des meilleures journées de printemps.<br /><br />En Russie je faisais des listes de chansons à ne pas écouter quand on s'ennuie de chez soi : <i>Via Chicago</i> de Wilco, Simon & Garfunkel & <i>Homeward Bound</i>, Woody Guthrie qui se plaint que <i>I Ain't Got No Home</i>.<br /><br />Au Pérou je jouais toute la journée dans l'argile froide pour faire d'immenses têtes de marionnettes, & tout ce que j'écoutais c'était Buena Vista Social Club, toujours, parce que c'est la seule chose que je pouvais faire jouer dans l'atelier sans qu'il y ait des exclamations de <i>puééé que esa gringita no sabe nada de música</i> qui fusent de partout.<br /><br />Au Pays Basque je pense que ça intéresse personne, parce que c’était du ska en euskera qui me rappelait mes quatorze ans & les livres que je dissimulais à moitié sous mon pupitre pour lire pendant les cours d’histoire & la première bière bue au complet dans le fin fond d’un camp de chasse.<br /><br />Hier j’ai passé l’après-midi à écouter Leonard Cohen, surtout <i>Sisters of Mercy</i> parce que <i>& they brought me their comfort & later they brought me this song</i>.<br /><br />J’essaie d’apprendre, mais il y a des jours où c'est plus difficile.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com2tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-72846551803245745592011-04-13T05:16:00.003-04:002011-04-13T05:23:07.706-04:00<br><br><br><p align=justify><br />Hier je me suis rappelée de Luz, petite chose rachitique & autoritaire qui m’aura forcée, pendant deux semestres d’affilée, à décortiquer de longues phrases en espagnol, à les triturer jusqu’à les réduire à leurs plus simples éléments, sintagma nominal verbal ou je sais plus quoi d’autre. Estie. J’ai tout oublié de mes cours de grammaire espagnole, sauf Luz. & peut-être une coupelle de verbes irréguliers.<br /><br />Hier je me suis rappelée de Luz qui entrait toujours dans la classe en faisant claquer ses talons sur les vieux planchers usés, de très belles bottes qu’elle préservait de la neige & du sel & de l’hiver mais j’ai aucune idée comment, moi je devais traîner à peu près deux pouces de calcaire incrusté dans le cuir des miennes, Luz entrait dans la classe & elle était toujours la même, le visage dur, le corps sec, rien chez elle qui puisse trahir même un tout petit morceau de chaleur. Elle avait un prénom de lumière, mais pas grand-chose d’autre de ce côté-là. Des taches de rousseur éparpillées sur son petit visage fermé, des cheveux noirs, des robes qui flottaient sur elle, s’accrochaient à ses clavicules, de très jolies mains aux longs doigts qui désignaient toujours subitement, irrévocablement, <i>joven, le toca!</i>, c’est votre tour, au tableau, qu’est-ce que vous attendez pour m’entretenir de syntagmes verbaux?<br /><br />Luz avait trente-deux ans mais les méthodes pédagogiques des bonnes sœurs qui passaient leur temps à tirer les oreilles de ma mère.<br /><br />Luz (que je n’ai jamais appelée <i>Luz</i>, que j’aurais jamais osé, devant qui je passais de trop longues secondes à hésiter entre <i>señora</i> & <i>señorita</i>), Luz c’est la première personne que j’ai rencontrée qui faisait aussi peu d’effort pour être agréable. L’apprécier demandait un effort de volonté extraordinaire & ça, juste ça, ça forçait une certaine admiration involontaire, un élan mal placé d’enthousiasme pour une personne qui, vraiment, honnêtement, s’en câlissait.<br /><br />Alors hier j’ai repensé à Luz, petite chose rachitique & autoritaire qui m’a simultanément terrorisée & fascinée pendant huit mois, & je me suis dit que peut-être ça la fâcherait, savoir que je garde un bon souvenir d’elle.<br /><br />Il y aurait une histoire à raconter sur Luz, mais je sais pas trop laquelle.<br /><br><br><br><br />Ces temps-ci ma vie est déboussolante & décousue. Mon contrat se termine demain & je quitte Toulouse dans deux semaines & je retourne à Québec juste un tout petit peu après. Je traîne des chagrins insidieux auxquels j'ai pas envie d'accorder trop d'attention. J'écoute seulement des chansons qui ne disent rien.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com3tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-57406599030690907122011-03-22T05:24:00.005-04:002011-03-23T04:59:11.661-04:00<br><br><br><p align=justify><br />La semaine dernière j'ai vu un film que je recommanderais à personne, un film lent & interminable qui m'a fait réaliser à quel point ça doit être une aventure incroyablement frustrante que d'apprendre le farsi. Bref. La seule bonne chose du film, la seule chose que j'ai aimée, celle qui m'a fait croire au tout début début que peut-être il y aurait, à défaut d'une intrigue palpitante ou de grandes émotions crève-coeur, quelque chose comme une poésie tranquille, délicate, posée dans ce film, la seule que j'ai aimée c'est une scène où une voiture passe entre les énormes rouleaux-éponges d'un lave-auto & que deux personnes, des silhouettes floues barricadées à l'intérieur de la voiture comme dans un cocon, écoutent une espèce de musique lancinante qui pourrait ressembler à du raï mais qui l'est probablement pas, je sais pas. Re-bref. Ça m'a rappelé mon père, qui m'amenait au lave-auto quand j'étais petite, toujours à la fin des longs dimanches d'été, & qui me faisait écouter du Cat Stevens par-dessus tous les grondements & les vrombissements des jets d'eau, & comment j'aimais tellement, tellement regarder les gouttes zigzaguer violemment sur la surface des fenêtres en chantant <i>oh very young</i> avec un accent maladroit.<br /><br />Une autre chose que j'aime : me retrouver avec une quantité ridiculement petite de monnaie étrangère, genre cent vingt-sept roubles, genre sept livres & vingt-cinq, juste assez peu d'argent pour que ça vaille plus la peine de passer au bureau de change ; m'y résigner joyeusement & tout dépenser en bonbons trop chers dans les magasins de l'aéroport, juste après avoir passé la sécurité.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com5tag:blogger.com,1999:blog-2116166784693369071.post-8697105862026637382011-03-18T07:02:00.002-04:002011-03-18T07:09:02.438-04:00<br><br><br><p align=justify><br />...aaah, je dois être à l'aéroport dans pas très longtemps, mais! J'ai reçu tout plein de courriels cette nuit & vraiment je sais pas ce qui s'est passé pour que l'accès au blog soit restreint -- mais je crois que maintenant c'est réglé.<br /><br />Je croise les doigts & je retourne squeezer mon shampooing dans un minuscule petit contenant de moins de 100 millilitres.<br /><br><br><br>Améliehttp://www.blogger.com/profile/07411050007518151064noreply@blogger.com4