mercredi 14 juillet 2010





Ça m’aura pris un peu moins de deux mois pour me refaire amie avec les préposés du comptoir des réservations de la bibliothèque Gabrielle-Roy, amie comme dans : aujourd’hui il y en a un qui est venu me voir à ma table pour me dire, le vouvoiement facile & le chuchotement étudié, Amélie, y’a le Pérec que vous vouliez qui est arrivé.

Le personnel de votre bibliothèque & vous : une relation à approfondir en trois étapes simples, un best-seller à paraître sous peu.




Je me suis foulée la cheville & je travaille sept jours semaine, pas de repos pour les coordonnatrices sous-payées, je manque de temps pour la musique du Festival d’été & les listes interminables de livres que je m’étais promis de lire durant les canicules, les canicules c’est fait pour la bière blanche, froide, & les romans dont on égrène tranquillement les mots, je manque de temps pour ma soeurette & les pique-nique de fin d’après-midi, les mauvais films d’action qui déboulent tous le même mois, les fenêtres grandes ouvertes face aux rares soirées fraîches, je manque de temps pour les amis qui se déploient sur le continent, traversent l’Atlantique, se perdent dans la brume, je manque de temps pour le futur qui s’approche à pas de loups, qui flotte au-dessus de ma tête, vaguement menaçant, je manque manque manque de temps mais souvent, le matin, tôt mais pas trop, il y a le téléphone qui sonne &, entre nos phrases ponctuées de silences cotonneux, il y a les plus doux de tous les mots ensommeillés, il y a toutes les choses qu’il faut taire juste encore un peu, pas beaucoup mais quand même, quand même. & il y a le temps qui file lentement, jusqu’à l’automne.




Je suis tombée sur Juillet dans l’autobus, il y a quelques jours. Il s’est approché de moi, il s’était rasé la tête à cause de la chaleur ; tout de suite lui a fait comme d’habitude & moi j’ai fait comme d’habitude, il a parlé parlé parlé de lui & moi j’ai beaucoup souri, je souris toujours de mon plus beau sourire quand j’ai l’impression que ça vaut pas la peine de gaspiller mes mots. Je me suis dit, c’est une très bonne personne. & j’ai été contente qu’il ne fasse plus partie de ma vie.



jeudi 8 juillet 2010


La nuit, en voyage, l’air est toujours limpide de silence, & le coeur, parfaitement clair.

- Banana Yoshimoto, Kitchen
(& c’est pour ça que je m’ennuie des trains de Russie.)




Je sais pas trop comment en parler, mais aujourd'hui j'ai rencontré le monsieur qui sera mon directeur littéraire & j'ai encore l'impression que c'est une chose qui arrive à quelqu'un d'autre qu'à moi.

Je sais que ça changera pas ma vie, pas beaucoup, mais déjà ça me donne comme une certitude, une espèce de force tranquille qui me réconforte chaque fois que mon patron essaie du mieux qu'il le peut de me faire sentir le plus petite possible.




Parfois je me sens comme quand Suze Rotolo parle de Bob Dylan, quand elle dit que it was as if we knew each other already ; we just needed time to get better acquainted. Sauf que c’est toujours, toujours le temps qui manque. Malgré le téléphone qui sonne à dix heures du matin & les grands rires clairs au bout du fil, il y a comme une urgence particulière qui finit par me gruger de tout petits bouts de coeur. Encore.




Le vent chaud & lourd qui caresse le cuir chevelu, les ambulances & leurs sirènes qui se multiplient dans les rues, la bibliothécaire qui me dit c'est les vieux, c'est eux qui tombent comme des mouches. & moi je monte la côte Salaberry à pied chaque jour pour aller travailler, parce que j'ai décidé que cet été je passerais mon temps à faire toutes les choses que j'ai la force de faire.