mardi 30 novembre 2010


Aujourd'hui, en attendant la 18 au coin de Frank-Carrel & Charest Ouest, les yeux gobés par le parc industriel dans lequel je m'empêtre dès sept heures & quart le mardi & jeudi, je me suis dit que ça fait depuis que j'ai 19 ans que je veux une histoire d'amour comme une chanson de Belle & Sebastian, préférablement Piazza, New York Catcher (I will be your Ferdinand & you my wayward girl), quelque chose d'enveloppant sur lequel je pourrais aligner des milliers & des milliers de phrases obscures mais jolies qui raconteraient des histoires de douceurs & d'indéchiffrables, d'inextricables fous rires.

Maintenant ça m'est arrivé, & il y a pas de mots à mettre dessus.







Kyoto & Kazan, novembre.





Porcelaine a adopté un chaton, même pas deux mois & demi, & elle l'a appelé René-Chat pour honorer conjointement René-Charles, René Simard & René Lévesque. Ça fait trois jours qu'il est à l'appartement & ça fait trois jours que j'ai seulement envie d'écouter There Is a Light That Never Goes Out, The Smiths, à répétition, peut-être parce que trèstrès bientôt j'aurai vingt-cinq ans & que ces temps-ci j'aimerais encore avoir seize ans & demi, pas trop longtemps, juste un tout petit peu, juste parce qu'à seize ans & demi je passais des soirées entières à regarder Campbellton défiler tout doucement depuis le siège passager d'une auto, l'auto de n'importe qui, Jean-Robert Savoie ou quelqu'un d'autre, & que c'est une chose qui me manque -- le calme duveteux des fins de conversation, ma joue chaude contre la vitre froide, la radio locale anglophone en AM qui crachait de drôles de sons dans les innombrables petites poches de silence des chansons. Peut-être parce que j'ai lu A Complicated Kindness & que la narratrice passe tous ces longs moments dans un truck avec un garçon un peu complaisant mais un peu gentil quand même, qui donne l'impression d'attendre qu'elle se montre juste un tout petit plus extraordinaire pour se mettre à l'aimer au complet. (Bonjour, Jean-Robert Savoie.) Peut-être parce que la pluie de décembre appelle, je sais pas, des chansons résolument mélodramatiques des années quatre-vingt. Peut-être parce que que c'est un bon moment de l'année pour s'embrouiller dans de petites nostalgies passagères.



mardi 9 novembre 2010


























Moscou, grosse ville laide de mon coeur. Je m'ennuie.




mardi 2 novembre 2010





C'est l'automne alors j'écoute le troisième album de Malajube, celui avec Ursuline, j'écoute Willie Nelson, j'écoute du vieux Belle & Sebastian, Tigermilk, j'écoute Wilco parce que j'écoute toujours Wilco, j'écoute Mara Tremblay parce que j'ai toutes les chances d'échapper mon coeur, j'écoute Vissotski même si je comprends pas la moitié de ce qu'il dit. Je fais du potage aux légumes les dimanches après-midi & Porcelaine éparpille ses notes de cours en changeant de CD à toutes les vingt-deux minutes, Elliott Smith & l'identité politique canadienne & The Shins & l'histoire des médias au Québec & Arcade Fire & l'école au temps de la révolution industrielle britannique.

C'est l'automne & je me lève à six heures du matin pour donner des cours d'anglais dans tous les esties de parcs industriels de la ville de Québec, ça me rappelle la Russie mais sans le métro, ça me rappelle la Russie mais c'est pas trop dur, pas encore. Je prends l'autobus avec des monsieurs qui portent tous des bottes à cap d'acier & je me faufile dans leurs usines moroses pour enseigner le past simple des verbes irréguliers à leurs chefs de ligne. Je leur fais scander des ring, rang, rung! & je réussis à coincer mes jupes dans toutes les portes.

C'est l'automne & j'ai pas envie de lire de fiction parce que je suis trop occupée à rafistoler la mienne, alors à la bibliothèque j'emprunte des biographies de Youri Gagarine & des essais de deux cent trente pages qui demandent, le plus sérieusement du monde, à quoi servent les astronautes. Moi j'aurais envie d'être Julie Payette & de parler d'apesanteur & d'ingénierie aérospatiale, d'avoir toute une masse de cheveux à enfouir sous le casque de mon scaphandre, mais je me contente de mes boucles frisottantes & des émissions de vulgarisation scientifique de CKRL, que j'écoute à la boulangerie où je passe deux ou trois après-midis semaine à faire des galettes, à côté d'un Français beau comme un coeur qui s'échine à modeler les plus jolies viennoiseries de la rue St-Jean.




C'est à peu près sûr que je retourne à l'école l'année prochaine ; c'est à peu près sûr que je serai publiée d'ici l'automne prochain ; c'est à peu près sûr que j'ai le coeur amoureux, encore, & des fourmis dans les jambes, toujours, & l'envie immense d'embrasser le ciel chaque fois que le soleil se frotte contre mes paupières mi-closes. Comme quoi il y a des choses qui changent pas, pas vraiment.