jeudi 12 novembre 2009


Bientôt visitée par une de ces bouffées de bonheur qu'elle accueillait avec stupéfaction depuis des mois, elle aurait laissé dériver son attention de la scène haute & dépouillée au dos plein de ce compagnon que, dans un fragile éblouissement, une brève montée de chaleur, elle aurait eu la certitude presque intolérable d'aimer.
- Madeleine Monette, Amandes & melon

Amandes & melon c'est lourd & c'est long & c'est touffu, je pensais pas m'attaquer à un roman où il y a une telle surdose d'introspection, un tel foisonnement d'idées & de remises en question, où l'histoire est à ce point centrée sur la façon que chacun, que chaque personnage a de ne pas être tout à fait heureux -- mais de temps à autre, une phrase très longue qui veut tout dire. & ça valait la peine, peut-être, juste pour ça.




À Kazan j'ai eu un drôle d'accès de déprime, le dimanche après-midi. Peut-être parce qu'il n'avait pas fait soleil depuis vendredi matin. Alors je suis allée prendre un горячйи шоколад (gariatchi chakalad -- la traduction exacte ce serait chocolat chaud, mais en fait c'est une masse de chocolat fondu servie dans une tasse & dégustée à la petite cuillière) dans un café où la serveuse avait décidé de faire jouer la discographie complète de Phil Collins. & tout de suite, dès le premier contact hésitant entre mes lèvres gercées & le métal chaud de la cuillère, je me suis sentie mieux. & je me suis dit qu'une vie heureuse, c'en est sûrement une où toutes les tristesses peuvent être consolées par un dosage approprié de chocolat.

(...mais les bienfaits thérapeutiques de Phil, dans mon cas, restent encore à prouver.)

Ce matin je me suis éveillée en faisant ce que ma grand-mère aurait approuvé, count your blessings & be content, & j'ai énuméré : tout un nouveau groupe d'étudiants, à cause d'une enseignante d'anglais partie en congé de maternité. Du beurre d'arachides biologique! reçu par la poste hier & que je dévore depuis, partout, n'importe comment, avec du pain frais, sur une banane, à même le pot, les doigts poisseux parce que je manque de couteaux. Le petit vent chaud des derniers jours, qui balaie presque la pollution qui traîne sur Moscou. Igor la plante qui s'acccroche à la vie malgré mon absence assez flagrante de pouce vert. Les plus jolies mitaines du monde, pas encore étrennées mais ça viendra, ça viendra. Des colis que je ficelle, des cartes postales sur lesquelles je gribouille des dessins. De grands grands grands projets. De petits bonheurs tout doux. L'envie de voyager mais aussi celle de rester, juste encore un peu, juste assez pour construire de nouvelles habitudes que je briserai joyeusement, fébrilement, avec dans la gorge l'excitation angoissée des gares & des aéroports.

La seule façon que la vie pourrait être plus jolie, je crois, c'est si Juillet était ici avec moi.

(Surtout que c'est sa fête, aujourd'hui.)



3 commentaires:

  1. Bien hâte de vivre cette «excitation angoissée» que vous évoquez...

    Très joli texte; vraiment, votre écriture me rend admiratif.

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  2. Un voyage en Russie est dans l'air en ce moment, procurant à celui-ci une texture jamais même envisagée. Seriez-vous disposée à me faire part de quelques recommandations pré-départ, le temps venu?

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  3. ...bien hâte de la (re)vivre aussi!

    & ça me ferait plaisir, pour le voyage en Russie! Même si je crois pas avoir beaucoup de recommandations -- à part peut-être apprendre l'alphabet cyrillique, parce que la vie est beaucoup trop compliquée sans ;)

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