mercredi 16 septembre 2009






La dernière fois, à l'aéroport, je l'ai regardé & je me suis dit, toi tu t'appelles Juillet parce que t'as le visage comme un matin ensoleillé.

(Pas que ce mois de juillet-ci ait été très ensoleillé, mais quand même.)

Nous sommes partis de Québec en début d'après-midi, mes parents & Juillet & moi ; dans la voiture nous avons parlé en regardant distraitement le paysage &, après nous être arrêtés dans un dépanneur pour acheter le journal de la fin de semaine, nous l'avons ouvert sur nos genoux & nous avons complété le mots croisés ensemble, Juillet & moi, nos têtes se frôlant au-dessus des cases vides. Une fois à l'aéroport tout s'est fait très vite, tout se fait très vite maintenant, j'ai enregistré mes bagages en dix minutes & tout d'un coup ça y était, déjà une petite partie de moi en route vers Moscou. J'ai dit au revoir à tout le monde, trois fois plutôt qu'une, & c'était comme si je partais pour ne plus jamais revenir, une fin tragique & grandiose à souhait -- ma mère qui sanglotait, Juillet qui pleurait & pleurait & pleurait sans bruit, le nez dans mon cou. Mes larmes à moi qui s'attardaient en grandes rigoles sur mes joues.

Mes parents m'ont laissée une carte avec tout plein de jolis mots, Juillet un petit papier sur lequel il a griffonné un ya tibia lioubliou en crisse!, je t'aime en crisse!, & tout ça je le traîne dans mon ventre, je le garde au chaud.




Dans l'avion de Montréal à Londres j'avais tout prévu & j'avais commandé un repas végétarien, pour être servie avant tout le monde. J'étais assise à côté d'un vieux monsieur qui avait tendance à acaparer mon espace vital & j'ai passé trente minutes à décider quel film j'allais regarder dans la petite télé qui coiffait le dossier du siège en avant de moi. Finalement j'ai choisi Away We Go & c'était doux mais un peu long, peut-être parce que j'étais déjà fatiguée.

Au contrôle de sécurité de Heathrow la dame m'a appelée darling ; lorsque l'avion a atterri à Moscou des représentants de la santé publique sont venus prendre notre température pour s'assurer que la grippe porcine n'était pas parmi nous.

Je suis en Russie depuis trois jours. J'ai un emploi dans une école de langues privée & une colocataire belge qui s'appelle Kyoto, Kyoto comme la ville, & des cours de russe qui commencent mardi prochain. & c'est pas que je manque d'enthousiasme, mais je m'ennuie de Juillet comme c'est pas possible. C'est une douleur viscérale qui a quelque chose de tendre, quand même, quelque chose de délicat & de douillet, comme l'envie de se laisser engloutir par les meilleurs des souvenirs.



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