jeudi 17 mars 2011





Vendredi dernier, c'était la journée où je suis arrivée chez moi, très tôt le matin, pour me rendre compte que dans la cuisine ça sentait le poisson & que la moitié de la vaisselle était pas faite & que la moitié qui était faite était mal lavée.

C'était aussi la journée où j'avais trois heures pour repasser derrière les dernières corrections du manuscrit, pour essayer d'expliquer au réviseur linguistique pourquoi je veux pas de huit virgules pour encadrer quatre compléments circonstanciels.

J'avais seulement trois heures parce qu'à 10h30 je devais prendre le train pour Montpellier, un aller-retour en une journée pour une toute petite chose désagréable mais importante.

Dans le train j'ai fini un recueil de nouvelles de Banana Yoshimoto &, pendant une centaine de pages, je me suis sentie toute seule dans le wagon.

Ensuite j'ai vu qu'à côté il y avait des légionnaires, des vrais légionnaires de la Légion étrangère!, un Roumain & un Bosniaque & un Congolais à casquette blanche, carrée, très XIXe siècle, qui allaient à Nîmes & qui ne parlaient pas très bien français, qui mirent de longues minutes pénibles à négocier leurs billets de train au contrôleur. Devant il y avait des vieilles dames qui s'indignaient au-dessus d'un article de journal, quelque chose sur le fait que le FMI aurait approuvé l'essor du secteur privé en Lybie vers la mi-février. Je me suis dit comme si on avait besoin d'une autre preuve que le FMI c'est de la marde & j'ai passé le reste du trajet à espionner distraitement la conversation insipide mais joyeuse d'une mère & de sa fille qui, derrière moi, parlaient du coiffeur qu'elles verraient toutes les deux à Montpellier, une à la suite de l'autre, & de la couleur que leurs cheveux prendraient, & si ça ferait plutôt ressortir le vert ou le marron de leurs yeux.

À Montpellier il y a cinq flots de douze ans qui m'ont filée pendant quarante-cinq minutes dans les petites rues du centre jusqu'à ce que, excédée, je me retourne pour leur dire que okay, vous me gossez, décâlissez. Ça a marché, je sais pas pourquoi. Peut-être qu'ils pensaient que je parlais un argot plus avancé que le leur.

Dans le train du retour il y avait une fille qui fredonnait House of the Rising Sun. Elle était juste derrière moi & la première fois j'ai trouvé ça beau, la première fois je trouvais ça poétique & joli & parfait, mais après la quarante-sixième fois j'avais envie de la frapper.

Vendredi dernier je me suis traînée de la gare jusque chez moi en repensant à toutes les virgules du manuscrit qui ponctuaient mes phrases de travers, qui hachait le rythme en tout petits morceaux indigestes, mais qui valaient probablement pas toutes les angoisses que je tissais depuis le matin, de la gorge jusque dans le creux du ventre.

Mais ça c'était vendredi dernier & ce vendredi, vendredi qui est demain, ce vendredi je prends l'avion & je vais à Londres & je suis jamais allée à Londres. & j'ai hâte. & j'achèterai sûrement au moins un truc kitsch à l'effigie de Kate & William, parce que comme ma grand-mère m'a répété trois fois au téléphone la semaine dernière, une roturière dans la famille royale, it's quite the revolution.



3 commentaires:

  1. En plus, la roturière a demandé à ses dix mille invités au mariage de donner généreusement à une oeuvre de charité qui vise en enrayer le "bullying" à l'école. Parce qu'elle est elle-même une victime de bully quand elle était petite.
    C'est émouvant. La future LadyDi à l'oeuvre.
    Moi, j'ai déjà un porte-clé avec la photo "officielle" des fiançailles, ramené par une amie. C'est de toute beauté.

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  2. J'ai maintenant un aimant à frigo à l'effigie des fiancés. Avec les armoiries royales en bonus! Je peux mourir heureuse.

    Je savais pas, pour le bullying! Mon coloc anglais m'a dit que tout le monde freakait en ce moment parce que supposément qu'elle a perdu trop de poids avant son mariage & que là elle n'est plus un bon role model pour toutes les petites filles anglaises qui suivent attentivement ses péripéties à la cour. Triste.

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