mercredi 31 mars 2010





Je vais bien! C'est seulement que j'ai pas eu accès à internet depuis dimanche.

Je suis vraiment très désolée pour ceux & celles qui se sont inquiétés.




Quand j'habitais à Gasteiz, la trêve entre l'ETA & le gouvernement espagnol était brisée depuis un certain temps déjà & dans tout le Pays basque il y avait de ces petits attentats ponctuels, surtout des dommages matériels, ç'aurait presque été du vandalisme de haut niveau s'il y avait pas eu toute l'espèce de mystique terroriste en arrière-plan. Je me souviens d'explosions sur des sentiers de montagne déserts, en fin d'automne ; de commerces aux grandes vitrines fracassées ; d'histoires d'extorsion, beaucoup ; d'un meurtre, un seul, de l'autre côté de la frontière, un policier espagnol qui avait traversé en France & qui s'y était fait tiré par deux etarristes en fuite. Je me souviens qu'à l'aéroport de Madrid-Barajas il y avait des affiches partout, six visages très jeunes & très basques, les nez proéminents & les sourcils en accents circonflexes, toujours ces drôles de coupes de cheveux, je me souviens que j'avais eu des problèmes avec la sécurité, on avait presque manqué l'avion parce qu'un des gardes s'était convaincu que je ressemblais à une des deux filles de l'affiche. Deux heures à montrer mon passeport & à expliquer, dans un espagnol faussement laborieux, pourquoi j'avais décidé de m'installer à Gasteiz. Pourquoi pas quelque chose dans le Sud?, que le garde me demandait. Pouquoi pas la côte, pourquoi pas le soleil? Comme s'il m'en voulait de ne pas avoir décidé de finir ma vie sur la Costa del Sol avec les retraités britanniques.

Ce dont je me souviens le mieux, je crois, c'est le village où Shanti habitait, un village côtier de Guipuzkoa, quatre mille habitants & des troupeaux de moutons en banlieue. Je m'en souviens parce que Shanti y retournait presque toutes les fins de semaine & que souvent on l'accompagnait. Pour la mer, pour les montagnes, pour la famille incroyablement, involontairement pittoresque de Shanti. & puis un jour au bulletin de nouvelles régionales il y a le village qui est apparu, & une image d'explosion dans un petit commerce de la rue principale, & c'était l'ETA. Pas de blessés, seulement un trou dans la façade de l'édifice. & c'était un tout petit incident, même pas important, mais à ce moment-là je me suis dit, il y a une connaissance particulière de ces endroits brisés, même quand on ne les connaît que de vue. Comme une mémoire lourde. Comme un souvenir artificiel, aussi, parce que probable que je me rappellerais pas de ce commerce aujourd'hui si l'ETA l'avait pas fait sauter.

Loubianka c'est une des deux stations de métro de lundi, l'autre c'est Park Kultury mais Park Kultury j'y vais presque jamais. Loubianka c'est au centre des lignes, c'est au centre du centre de la ville. Près des quartiers généraux du FSB, près d'une très grande librairie, près d'un des endroits où je travaille. Quand on sort par la sortie que j'emprunte tout le temps, c'est gris & c'est laid & c'est bruyant & c'est la Moscou maussade qui déçoit tous les touristes. Maintenant ça deviendra, je sais pas, un endroit de recueillement. Un endroit tout plein de solennité craintive. Qui colore les mémoires, d'une certaine façon, & les alourdit.



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