samedi 28 janvier 2012




Qu'est-ce qui reste aux journées quand elles sont presque entièrement grises, de l'eau qui stagne dans les grandes flaques de gadoue jusqu'aux petits bouts de ciel qui chatouillent le haut de mes fenêtres? Le thé très rouge, peut-être, mon ukulélé turquoise, le rose de mes lèvres toujours gercées, écrire sur les collines d'un vert humide qui entourent Gasteiz. Tricoter avec application des bas rayés, du jaune & du vert, encore ; tenter de qualifier le orange des taches de rouille qui montent le long des vélos toujours empilés dans la cour intérieure -- orange brunâtre, orange calciné? Écouter Pierre & Marie en boucle & penser à toutes les couleurs que je connais pas. Chartreuse, est-ce que c'est commme une sorte de jaune?

C'est ce que je me demandais hier, mais aujourd'hui il fait beau & j'y pense plus.




Je me suis aperçue que le plus souvent je vois l'acte d'écrire comme quelque chose de très délicat, une petite créature fragile qu'il faut enrober de précautions, de routines particulières, pour laquelle il faut créer des espaces douillets & réconfortants, de bons espaces chauds où le monde extérieur ne s'insinue presque pas. Je suis pas certaine que ce soit vrai. Ces temps-ci tout ce que je fais est très chaotique, j'empile pêle-mêle des phrases qui sortent de nulle part, & c'est pas comme une image de cinéma, je serai jamais cette figure de l'écrivain qui entre littéralement en transe devant l'écran de son ordinateur, mais il y a quelque chose de bon dans le désordre. Ça m'aura pris très longtemps à le comprendre.




Hier la madame au comptoir de la bibliothèque de quartier m'a reconnue quand je suis venue récupérer une réservation, un grand sourire & oui oui oui, je sais que j'ai quelque chose pour toi. & c'est pas la première fois, mais je me suis sentie chez moi ici, à Montréal.


8 commentaires:

  1. J'ai toujours vu chartreuse comme une sorte de rouge. Peut-être à cause de Stendhal et de cet autre roman.

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    1. Finalement je suis sortie de ma paresse & j'ai été voir dans le dictionnaire... "entre jaune et vert". Un mystère de moins.

      C'est quand même drôle, les associations qu'on fait entre les mots -- quand j'étais petite, j'étais certaine certaine certaine que 'molosse' & 'morose' c'était la même chose. C'est-à-dire : un marin. Je sais pas où j'avais été chercher ça. (/tranche de vie)

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  2. « Orange brûlé » c'est une vraie couleur et c'est un peu convenu, mais il me semble que c'est exactement ça, pour la rouille.
    Je pense que ces précautions pleines de noblesse quant à l'art d'écrire sont un cliché inévitable, mais on dirait que plus le temps passe, plus je réalise que non, au contraire, personne ne s'enferme pour écrire, personne ne consacre sa vie qu'à l'écriture. Ça me fait toujours bizarre de réaliser que les écrivains que j'admire ont une vie, des enfants, une famille, un métier. J'explique très mal l'idée que j'ai en tête, mais je ne pense pas qu'il faille mettre l'écriture dans un cocon, même si c'est le premier réflexe de tout le monde. Si on veut trop protéger le moment de l'écriture, dès que la vie devient un peu mouvementée, on n'écrit plus rien du tout, parce que les rituels mis en place prennent tellement de temps qu'il n'en reste plus pour les mots.
    ....
    Ce n'est pas très clair, hein?

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    1. Non Audrée, c'est exactement ça! Si on veut trop protéger le moment de l'écriture, dès que la vie devient un peu mouvementée, on n'écrit plus rien du tout, parce que les rituels mis en place prennent tellement de temps qu'il n'en reste plus pour les mots. C'est quelque chose que j'ai réalisé il y a pas très longtemps, en fait -- j'arrêtais pas de paniquer parce que je trouvais que j'avais le temps de bien mettre en place, je sais pas, les moments ou les espaces dont j'avais besoin pour écrire, & je me disais seigneur, ça va être de même toute ma vie, j'aurai juste jamais de temps & je ferai jamais ça bien... & puis je me suis rendue compte que ça passe pas par là, dans le fond.

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    2. Je continue de penser à tout ça et je pense que tous ces rituels sont importants à certains moments précis de l'écriture, mais pas tout le temps. Par exemple, pour écrire un premier livre, ou alors pour trouver la voix des personnages, pour mieux comprendre où on veut en venir. Mais une fois que toutes ces choses sont fixées, alors, personnellement, j'arrive à écrire un peu n'importe quand. C'est moins satsifaisant que lorsque le rituel entier est respecté, mais ça fait du bien quand même, et ça permet d'avancer les projets... c'est comme (pardon pour la grossièreté de l'expression) « une petite vite » littéraire... Ça soulage, c'est efficace, mais ça n'est pas complètement satisfaisant.

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  3. Salut Amélie,

    Je viens de découvrir ton blogue et tenais à te dire que tu as une plume superbe! Ce fut un vrai plaisir pour moi de lire tous tes textes. Ce qui est beau, dans ton écriture, c'est ta façon de célébrer la jeunesse. Il est évident pour moi que c'est ce dont tu parles partout (enfin, c'est ce que j'aime y voir!).

    Bonne continuation!

    Sara-Eve

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    1. Merci beaucoup Sara-Eve! (& désolée d'avoir mis autant de temps à répondre...!) C'est intéressant ce que tu dis, ma "façon de célébrer la jeunesse" -- ç'a jamais été mon intention (pas dans le sens que je m'y identifie pas, seulement dans le sens que j'ai pas vraiment de ligne directrice très claire ici... ;p), mais je suis contente que ce que j'écris ici puisse être reçu comme ça!

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