dimanche 26 avril 2009





Parfois j’aimerais avoir des amis qui me disent des choses comme, faut que tu lises Suzanne Myre!.

(J’ai emprunté son premier recueil de nouvelles à la bibliothèque, parce que j’aime les nouvelles & que je cherche toujours des auteurs qui les aimeraient aussi, pas comme prélude au roman, pas comme petit tour de pratique avant d’entreprendre la rédaction d’un grand récit épique mais comme genre en soi, une histoire qui tient en quelques pages. D’où Suzanne Myre. Suzanne Myre que je n’avais jamais lue avant & qui a quelque chose de tellement acéré, des mots très pointus & très précis, avec un sens de l’humour tellement décapant que c’en est bouleversant. Parce que décapant dans le sens de : qui liquéfie la surface, qui met à nu, qui révèle & déchire & chavire.)

Mais c’est pas trop grave. À la place j’ai des amis qui me donnent des surnoms impossibles, invraisemblables ; j’en ai qui m’écrivent de longs messages où s’entremêlent tout un quatuor de langues étrangères. D’autres qui me font écouter du gros country sale & certains qui ont avec moi de drôles de discussions enflammées dans des autobus bondés où tous les autres passagers semblent se délecter de notre indignation un peu maladroite. J’ai des amis qui croient à l’homéopathie, ou qui n’aiment pas la bière, ou qui veulent six enfants & une vieille maison dans le bas du fleuve, rien que ça pour être vraiment heureux. J’ai des amis qui me disent des choses comme, m’en vas soûler mon karma dans l’espoir qu’il devienne alcoolique & me câlisse enfin patience, & ça c’est plus bizarrement réconfortant que n’importe quoi d’autre au monde.




Vendredi je me suis éveillée en énumérant dans ma tête tout ce que je n’aime pas dans ma vie, & pour m’effacer ces choses-là du crâne j’ai passé quinze minutes à m’ébouillanter sous la douche. J’ai fait du café, bu du jus de pamplemousse debout dans la cuisine, goûté au soleil froid qui effleurait la galerie. J’ai eu envie de ne plus jamais avoir de peine pour rien.

Plus tard je suis allée me faire couper le toupette chez la coiffeuse qui, à défaut de se souvenir de mon nom, m’appelle belle fille. (Avant je le faisais toute seule comme une grande, me couper le toupette, au-dessus de l’évier de la salle de bain avec de petits ciseaux pour enfant achetés au Cortes Inglés de Gasteiz, mais depuis que j’ai recommencé à aller chez la coiffeuse, & ce après un an & demi d’absence, j’ose pas. Elle m’a un peu menacée, en fait, & pour me convaincre elle m’a dit que ce serait gratuit, le rafraîchissement de toupette. Mais parfois je regarde mes jolis ciseaux avec une pointe de nostalgie.) En remontant Saint-Joseph je suis entrée dans une boutique de trucs usagés & j’ai passé quarante-cinq minutes à m’empoussiérer le bout des doigts en farfouillant dans les disques compacts. Maintenant j’écoute en boucle le deuxième album de Ginette, celui avec la drôle de pochette rétro, pas nécessairement parce que c’est trèstrès bon mais bien parce que ça fait trèstrès été, de la musique comme des bulles de savon, & ça rafraîchit tout ce que j’ai dans la tête.

Pour la réalité & le cynisme, anyway, j’ai Suzanne Myre.



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